PILELECTRIC

KEISUKE

Août 2019 à Nice, France avec le chef Keisuke Matsushima né à Fukuoka, Japon 1977.

On entre dans la cuisine. Les vapeurs des cuissons, tel le brouillard des forêts japonaises, nous peignent l’ambiance. Au centre névralgique de cette brume apaisante, la brigade est en action pour servir jusqu'à huit plats par personne. Et ce qui est étonnant, alors que les assiettes défilent à une vitesse folle sous nos yeux, c'est l'atmosphère zen qui règne. La force tranquille du chef, du Maître Keisuke s'est enracinée dans sa cuisine.

  • Votre plus belle rencontre gastronomique ?

( Il marque un long temps de réflexion ) Ma mère. Parce qu’elle a toujours pensé à la santé de la famille et à les réunir autour d’un repas original. Je l’ai vu cuisiner tous les jours avec de bons produits. C’est ce qui m’a décidé à devenir cuisinier.

 Il y a également eu des chefs qui m’ont inspiré lorsque je travaillais avec eux, mais l’origine de ma passion vient de ma mère. 

  • Que pensez-vous de la manière dont on se nourrit de nos jours ?

Tout d'abord, j’ai suivi le chemin de la gastronomie en étant référencé dans les guides, comme “Michelin” ou “Gault & Millau”, j’ai travaillé dans des restaurants a une, deux, trois étoiles, j’ai même eu une étoile dans mon restaurant à Tokyo et à Nice. 

 J’ai longtemps fais la course aux étoiles mais dans ma réflexion, je me suis demandé si ma cuisine avait pour but de faire plaisir aux guides ou de faire du bien aux gens. 

 ( Il prend un air grave ) Depuis quatre ou cinq ans, je vois autour de moi des personnes en mauvaise santé. J’ai donc décidé d'aller vers l’essentiel. Je comprends que la cuisine doit exciter le palais, mais je cherche avant tout que ce soit bon pour la santé. 

 Je vis à Nice depuis des années et j’ai remarqué que les gens qui s’y installent, viennent lorsqu’ils veulent se reposer. J’ai essayé d’adapter ma cuisine selon cette recherche de repos en utilisant le “Umami”. 

  • “Umami” ? Dites m'en plus. 

 Le “Umami” a été découvert par le professeur japonais Ikeda. C’est la quintessence du goût. 

 J’ai exploré les recettes traditionnelles du monde entier et j’ai réalisé que nous utilisons le “Umami” depuis toujours, sans connaître son nom. 

 “Umami” veut dire, “bon”, “goût”, “savoureux”. Bon par sa qualité, bon pour le corps, bon pour le mental, le bien être, la santé. Cela se traduit dans tous les domaines. 

 Je travaille avec des docteurs universitaires, nous faisons des recherches pour reconnaître l’existence et la quantité de “Umami” dans les aliments.

  •  Comment créez-vous vos plats ? 

 La cuisine à la maison n’est pas pareille qu’au restaurant. Aujourd’hui, les gens font plus attention aux ingrédients qu’ils utilisent chez eux. Les chefs ont tendance à ne pas intégrer la diététique dans leur composition de menu alors que tous les restaurants devraient penser à la santé de leurs clients. 

 A l'époque, aller au restaurant équivalait à aller chez le docteur dans l’attente d’une guérison. C'était pour guérir les gens, tout en réunissant la famille. 

 Le mot grec “Magos” est à l’origine des corps de métier de cuisinier, magicien et de docteur. Notre métier est donc un ensemble de pratique. 

  •  Où vous voyez-vous dans quinze ans ? 

 Je vivrai au Japon où je cultiverai la terre de mes origines. Pour transmettre aux générations futures. 

Ma génération n’a pas pensé à prendre soin de la planète mais plutôt à faire de l’argent. 

Sans planète, il n’y a pas de vie. Tout le monde devrait penser au “vivre ensemble”. Nous avons beaucoup gaspillé et aujourd’hui, nous étouffons. 

 J’essaye de travailler avec des produits en accord avec la nature. Il y a le changement de climat, les produits qui diffèrent de saison en saison, en tant que chef je ne peux pas y être insensible. 

 La planète est fatiguée et nous devons vivre différemment. C'est pour cela que j’ai pour projet d’ouvrir une école culinaire.   

 Interview par Susan Brown